... Quand la machine ne tourne plus,
Que l'heure de l'heure du glas approche,
On se chante un tout petit vin,
On se boit un dernier refrain
Et puis tranquille
On peut partir torcher le cul
Au firmament ...
Ange avait raison, même si leur sujet était plus grave.
Il y a une douzaine d'années, vigneron débutant sinon jeune vigneron, je faisais déguster notre production récente à Georges Gracia, un des sommeliers les plus écoutés de l'arc méditerranéen. C'est Christine qui l'avait rencontré, la toute-toute-toute première fois, et il nous avait ensuite commandé différentes cuvées à plusieurs reprises.
Quelques années plus tard, un jeune sommelier, réservé mais pas timide, me sert du vin de l'excellent Alain Chabanon, que j'avais choisi lors d'un repas à Carcassonne. Il est le commis de M. Gracia et me confie: "J'adore ce vin, mais c'est la première fois qu'un client m'en demande spontanément".
Nous avons sympathisé après le service, au cours d'un mini-debriefing improvisé et, quelque temps plus tard, Baptiste Ross-Bonneau devient le sommelier en chef de l'établissement. J'ai appris entretemps qu'il avait assisté, en tant que stagiaire, à une des premières présentations de Coume Majou à Carcassonne, coïncidence.
Je vais passer sur tous les moments forts de notre collaboration pour rappeler simplement deux détails: La Barbacane fut un des restaurants préférés de mon père, d'une part, et ma fille Virginie (= la Loute), actuellement responsable du service en salle dans un étoilé belge, y fit un repas mémorable à l'été 2016, en notre compagnie, à Christine et à moi, d'autre part. Baptiste et elle se sont immédiatement bien entendus. A l'époque, elle était stagiaire en cuisine chez Christophe Comes (La Galinette*, Perpignan) qui avait aimablement accepté de la prendre à ses côtés dans le cadre de sa formation.
En une dizaine d'années, j'ai appris à apprécier la personnalité de notre homme, mais aussi sa compétence professionnelle. Tout d'abord, il est le petit-fils d'un agriculteur gardois (limite Vaucluse et Bouches-du-Rhône en plus) qui possède des vignes. Ensuite, il porte le patronyme d'un Castelpapal célèbre mais il n'y a pas de lien de parenté. Et puis, il était et reste le sosie parfait de Steve McQueen, en tout cas jusqu'à cet âge.
Plus sérieusement, Baptiste combine trois types de qualités complémentaires et importantes dans ses fonctions: (i) tout d'abord, il connaît bien le vin et découvre facilement les nouveautés qu'on lui présente, en s'en imprégnant; (ii) ensuite, il est capable de transmettre cette appréciation à des tiers et de prolonger ses impressions dans un accord avec les mets; (iii) il reste à l'écoute des autres, clients, fournisseurs, prescripteurs et respecte "l'autre partie". Croyez-moi, que tout cela coïncide dans une seule et même personne n'est pas évident.
Or, très sobrement, par un petit communiqué envoyé à beaucoup de ses contacts professionnels, il vient de nous avertir:
"Je viens par la présente vous annoncer mon départ du restaurant le 17 février prochain. En effet, après sept années passées à mettre en valeur la cuisine du chef grâce aux vins d’ici & d’ailleurs, à valoriser le travail des vignerons du vignoble national & international, à faire valoir l’excellence du travail de chef sommelier au sein de mon groupe hôtelier, je souhaite quitter mon poste."
Bon, j'avais bien senti un rien de lassitude s'installer. La restauration est un milieu exigeant. On y est relativement bien payé - c'est moins vrai aujourd'hui - et on y trouve toujours du travail. Mais les horaires sont lourds, on n'a pas le droit de laisser transparaître ses humeurs et on bosse le plus souvent tandis que les autres s'amusent. Le terme de "reconnaissance" ne semble pas non plus y faire partie du lexique, à quelques exceptions près.
Le sourire de Baptiste nous manquera à la Cité et les clients ne pourront plus compter sur sa guidance. Nous, on y perd un bon copain sur place.
Je suis sûr que la direction saura, avec le temps, trouver un remplaçant à notre ami - personne n'est indispensable - mais il sera forcément différent.
Quant à Baptiste, je ne me fais pas de souci: il trouvera vite une nouvelle activité pour raviver sa passion. J'espère qu'il restera dans le coin et ai de bonnes raisons de penser qu'il en sera ainsi.
Je rappelle, à Béné ainsi qu'à lui, qu'un petit "cottage" de bord de mer
peut les accueillir pour quelques jours de repos quand ils le souhaitent.
Le linge de lit est fourni et il y a du vin au frais ...
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Michel Smith (Friday, 01 February 2019 21:53)
Bon vent à Baptiste et bonnes vignes aussi car je sais que, du côté de Châteauneuf-du-Pape, de Cairanne et de Rasteau, il n'aura que l'embarras du choix.