ENCORE UNE 'TITE LOUCHE

 

 

 

 

 

 

 

Ce petit blog-ci mérite bien une entorse à ma mise en page habituelle. J'affiche l'illustration en bandeau intégral.

 

Le macron-capitalisme est en train de gagner une bataille de plus: on brade une AOP sur l'autel du bien-être d'un des groupes (familial) les plus insupportables de l'agro-alimentaire de France (et planétaire), et de son rival principal, même si celui-ci n'a pas la même taille mondiale que le premier cité. Il s'agit bien entendu de l'entreprise de la famille Besnier, dirigée par Emmanuel Besnier et dont la fortune est estimée à entre 12 et 14 milliards d'euros (!), et de l'union de deux coopératives laitières (celles d'Isigny et celle de Sainte-Mère), née en 1980.

 

En face, quelques "petites" laiteries et une poignée (même pas) d'exploitations fermières. 

 

Je me rends compte que mes papiers revêtent un caractère bipolaire de plus en plus marqué, sans doute car un nouveau Shapur 1er me protège. 

Souvent, je m'enthousiasme pour des découvertes, des attitudes, des milieux, rarement des personnalités. Et je pousse au contraire des coups de gueule fréquents contre des manifestations diverses qui représentent en fait "le système". 

 

Je ne souhaite pas mourir, mais ne tiens pas non plus à rester trop longtemps le témoin de l'avènement d'un monde inéluctable dans lequel presque tout ce qui me plaît diminue, et où au contraire les obligations et les restrictions de toute sorte faites aux individus (pas tous) augmentent. C'est mon complotisme à moi: une infime minorité de happy-few (combien?) se porte de mieux en mieux, sur le dos de tous les autres, à des degrés divers. Je ne pense pas que ce soit un plan délibéré avec des auteurs spécifiques, c'est un mécanisme automatique déclenché par le développement du capitalisme industriel après 1850 (pour simplifier) et qui ne s'arrêtera pas avec la chute de celui-ci. Et tous ceux qui le servent avidement - nous y participons tous à des degrés divers, moi y compris - souhaitent simplement "s'en sortir du mieux possible, à titre individuel". 

 

Ouf, allez, on revient sur le plancher des vaches, précisément.

 

Je préfère le fromage au lait cru. Pourquoi?

La seule réponse satisfaisante est la suivante: dans MON expérience, que l'on peut contester sans que cela me peine, je les trouve meilleurs. Mais on rencontre quotidiennement des dysgeusiques et des anosmiques. Attention, dans mon esprit, "cru" n'exclut pas une certaine forme de chauffage, nécessaire pour certains types d'élaboration fromagère. Ce terme se veut simplement le contraire de "stérilisé, aseptisé", quelle qu'en soit la méthode. 

 

Il me semble, et je rappelle quand même que j'ai une certaine compétence en maladies infectieuses (notamment un diplôme officiel en la matière décerné conjointement par les universités de Lille-Tourcoing et de Bruxelles), que les produits fermentés ont l'avantage qu'il est possible, dans certaines conditions facilement contrôlables, d'atteindre un équilibre microbiologique dynamique ne nécessitant pas la stérilisation. Bien plus, celle-ci est néfaste, car, à terme, elle ne se maintient jamais (recolonisation). 

 

Pour me faire encore mieux comprendre, pensez aux bières, au vin, aux maatjes et autres poissons élaborés par cette méthode, à la choucroute et aux saucissons ...

 

Certains, comme mon camarade Hervé Lalau, invoqueront en plus les notions conjointes de terroir et de tradition, qui me sont sympathiques jusqu'à un certain degré. On peut aussi plaider la cause de la diversité, en opposition avec la standardisation, la banalisation.

 

Je vais me faire un instant l'avocat du diable, car il paraît que Belzébuth arbore un chîbre imposant et tenir passagèrement un rôle de composition ne me déplaît pas. La pasteurisation (et d'autres processus) permet d'utiliser en fromagerie des laits que la réglementation - stricte à juste titre - rend autrement impropres à cet usage. On peut donc rétribuer (quelle farce!) les producteurs pour ce volume et nourrir adéquatement la planète affamée par ces fromages insipides mais non dangereux. On aurait ainsi pu sauver les Algonquins et les Cheyennes en leur faisant bouffer un fromage venant du Calvados plutôt que par du Cheese-Cake de Philadelphie! Oui, je sais, je commets des anachronismes et des incongruités géographiques, mais c'est pour le fun. Le président de la république bananière de Macronie avait bien décrit la Guyane française (les autres sont devenues indépendantes!) comme une île; alors pourquoi pas moi? 

 

En fait, la vraie raison dans ce qui nous préoccupe est que tant Lactalis et ses complices qu'Isigny Sainte-Mère ont été contraints d'abandonner l'usage mensonger de l'appellation d'origine en 2007, car le pourcentage de "camemberts" (utilisé comme nom commun par métonymie) qui correspondent vraiment au cahier des charges ne représente que de 5 à 10 % du total vendu sous ce vocable. D'après les chiffres entendus ce matin sur France-Info, de la bouche d'un des portes-paroles de l'association professionnelle des élaborateurs de cette région, il se fera (après la mise en pratique du nouveau décret) environ 60.000 T de Camembert par an, dont seulement 6.000 T de "véritable" (sic, ce sont ses mots) fromage typique. En outre, j'ai oublié son nom, ce monsieur s'exprime très mal au micro et n'a pas les idées bien rangées dans sa tête (Boileau est toujours d'application). Je pense qu'il a avalé plus D'ETEC et d'EHEC provenant des tours de Lactalis que de braves Listeria campagnardes et que les épisodes récurrents de déshydratation qu'il a subis ont laissé des zones lacunaires dans son cortex. Le marché à atteindre, pour les élaborateurs de caillés industriels, est l'Amérique du nord, l'Australie et ceux des Européens (Allemands et Danois en tête) qui ne connaissent du fromage que la partie qui rapportait jadis des couronnes et des marks. 

 

Que sera le nouveau décret?

Je vous passe les détails, pour aller à l'essentiel.

 

Il propose une appellation qualifiée de "coeur de gamme", appelée Camembert de Normandie (et plus "élaboré en Normandie"), pourvue d'une étiquette bien lisible ("à une distance de 5 mètres au moins dans un linéaire", dit de manière surréaliste le porte-parole) et qui pourra être produite un peu partout dans la Grande Normandie, à condition que les vaches des troupeaux soient au moins à 30% des bêtes de race normande et qu'elles pâturent ici (quand même). Pour le reste, il subsiste encore quelques obligations mais leur contrainte est limitée et leur intérêt aussi. Par contre, on aura pu stériliser le lait, l'ensilage est autorisé dans l'alimentation, et donc les OGM bien entendu! 

 

Et puis, on laisse aux "petits" une AOP Camembert de Normandie véritable, élaboré au lait cru obligatoirement, moulé à la louche, 45 % de M.G. minimum, comportant 70 % de vaches normandes, avec pâturage obligatoire pendant 6 mois au moins et interdiction des OGM. La zone d'appellation ne comprend que les 4 départements d'origine: Calvados et Manche, Orne et Eure (partiellement).

 

Tempête dans un verre de lait? Combat passéiste?

 

Pas pour moi. La Macronie (mais cela avait commencé bien avant) donne un blanc-seing aux industriels pour utiliser à des fins capitalistes la réputation de qualité (réelle ou putative, peu importe) bâtie depuis deux siècles par un petit groupe de fermiers locaux.

 

En outre, la concentration des unités de production est bien évidemment DESTRUCTRICE nette d'emploi et, dans ceux générés, la part des cols blancs est en augmentation (marketing, sales, informatique, lobby ...) aux dépens des agriculteurs vrais. 

 

Enfin, et surtout, en cas de problème bactériologique (ou de contamination au sens large, même toxique seulement), comme ce fut le cas avec le "sang contaminé", ce sont des millions d'unités qui risquent d'être concernées.

 

En conclusion, à l'avenir BOUDEZ (= boycottez) l'appellation qui n'est pas le "véritable" Camembert et laissez pourrir leur fade rebus dans les linéaires. Allez acheter votre ration chez un vrai formager (ce n'est jamais une urgence, le calendos; au contraire, il faut lui donner un peu de temps).

 

VERITABLE, c'est meilleur et vous ne serez pas malades.

 

 

PS: Un petit bémol, car je ne suis pas malhonnête. Si les Listeria ne présentent aucun danger (par voie orale et aux inoculums rencontrés) pour un individu adulte sain, je reconnais qu'un risque (difficile à chiffrer) existe chez le nourrisson et le vieillard, ainsi que chez des patients présentant des degrés modérés à importants d'immuno-suppression. 

 

 

 

 

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