ÊTES-VOUS "PEDOPHOBE"?

Avec Jean-Daniel Ott lors d'une visite à Selle (Commune de Taradeau)
Avec Jean-Daniel Ott lors d'une visite à Selle (Commune de Taradeau)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En grec, "sol" se dit πέδον.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pédologie est donc la science qui s'intéresse aux sols. Pour beaucoup de gens, le sol d'un vignoble, c'est ça le terroir. Et cela le rendrait unique ou en tout cas typique et intransportable. Pour moi, le sol est un des paramètres de la physiologie végétale et donc un des déterminants du bien-être de la plante, de sa croissance et de son développement harmonieux. C'est tout et c'est déjà pas mal. 

 

Le journaliste itinérant britano-ligéro-post-brexitien Jim Budd a attiré mon attention sur un nouveau branle-bas de combat dans un bénitier campagnard du Saumurois, créant une vague dans le milieu très progressiste (tu parles!) du "terroir pour tous", une hybridation à forte amplification entre les J.A. et Debout la France. Je ne connais pas les protagonistes ni l'ampleur des modifications. Il semblerait qu'un propriétaire ait fait creuser sur plusieurs mètres de profondeur une tranchée dans un terrain à vignes, l'ait comblée par de la terre à remblai venue d'ailleurs et ait ensuite égalisé la zone pour la rendre plus praticable. Si cela s'est bien déroulé ainsi, je n'y vois pas grand chose à redire. Mais on crie "haro sur le terroir" alors que Landerneau n'est pas la porte à côté. 

 

J'ai rencontré, dans les années '80, Jean-Daniel Ott, un des descendants lointains du Marcel Ott qui a créé au départ d'Alsace les domaines du même nom. Tout nous sépare: il est ingénieur, il possède une trempe d'entrepreneur, il roule très vite en voiture, c'est un libéral et il a le sens de la politique et du politiquement correct. La première fois, c'était au

Ch. Romassan, en face des collines qui montent au joli village du Castellet.

Néanmoins, nous avons sympathisé. Un jour, il m'a emmené dans un des modèles de Citroën qui ont pris la relève des DS 21 vers sa propriété du Château de Selle, ancien bien des comtes de Provence, sur la commune varoise de Taradeau. C'est là qu'on élabore le fameux "coeur de grain" de la marque, un des rosés les plus huppés au monde. En route, j'ai eu au moins cinquante fois la peur de ma vie. Je ne suis pas un Fangio et ne brille pas par mon intrépidité sur le siège du copilote, également appelé la "place du mort". 

 

Le bâtiment a beaucoup de charme et nous avons fait ensemble le tour des parcelles. Deux ou trois grandes terrasses situées sous les lignes à haute tension* accueillaient un véritable chantier de carrier: bull-dozers, rouleaux-compresseurs, gros camions-à-benne et concasseur géant: toute la panoplie y était. Quelques années plus tard, ce plantier en devenir donnait des vins excellents. Actuellement, la bande à Rouzaud a fort développé les lieux - je n'y vais évidemment plus - et un nouveau Louqsor (mon orthographe préférée) est né sur le site. Même si j'admire la pierre du Gard, et si celle-ci fait un bon isolant naturel, ce matériau "nouveau riche" me déplaît dans les constructions modernes. Mais à chacun son goût. 

 

Je ne vois pas en quoi les modifications "profondes" au terroir apportées in illo tempore par Jean-Daniel auraient nui au site, aux vins, à leur typicité. 

 

Avant d'établir la liste des cas similaires que j'ai rencontrés au cours de ma modeste petite existence, je vous promets déjà d'autres exemples dans le détail. Aujourd'hui, je m'en tiens à un deuxième cas: le Domaine de Trévallon

 

J'ai rendez-vous ce jour-là (septembre ou début octobre 1989, je crois, voire 1990) au domaine et c'est une Floriane - je l'ai appris après - très éméchée qui vient m'ouvrir le portail. Je réalise vite que la dégustation sera pour une autre fois: l'équipe entière est plongée dans le festin de fin de vendanges. Rendez-vous est pris et, le lendemain, comme pour compenser, j'ai droit à une visite extensive de la propriété, et je rencontre aussi, au détour d'une cave, un certain Telmo, pigeant nu comme un ver un grand foudre de rouge nouveau. Il s'agit en fait d'un des fils de la famille qui dirige Remelluri, dans la Rioja. J'ai compris à ce moment-là, à ses pieds fourchus, la légende selon laquelle Bacchus est né sur les bords de l'Ebre! 

 

Mais j'ai surtout vu des collines dont le flanc avait été rasé, et à l'inverse des faux-plats à présent en pente marquée. J'ai vu des orientations par rapport au soleil modifiées. J'ai vu de la garrigue aride transformée en vigne. J'ai vu ... une profonde modification du paysage, voire même d'une portion d'horizon. 

 

A présent, qui n'apprécie pas Trévallon? 

Quand on m'en offre un verre, je le bois avec délectation. 

 

 

*: les ouvriers agricoles se plaignent ici de violents maux de tête lorsqu'ils travaillent sous les pylônes ...