Le millésime 2009
a dix ans.
A partir de 2009, nous avons pratiqué 24 à 36 heures de macération préfermentaire à froid sur toutes nos cuves de rouge. Après quatre expériences précédentes, j'avais appris à connaître mes parcelles et à optimiser la date des vendanges, j'avais pris la mesure de mes installations de cave et, surtout, j'avais pris confiance en mes protocoles de vinification, notamment l'utilisation raisonnée du groupe de froid. Il était donc légitime de courir le - petit - risque lié à cette méthode et de généraliser celle-ci. C'est d'ailleurs mon oenologue, Laurent Duret, qui m'y a encouragé et il a eu le nez creux.
Lorsque la vendange rentre, on rafraîchit le plus vite possible le moût, dès l'encuvage, et on le porte à 14-15°C. Ceci n'empêche pas le jus (on a égrappé et foulé les raisins) de pratiquer une espèce d'infusion des peaux et de la pulpe, en phase aqueuse, un peu comme une tisane. Cela extrait en douceur des composés aromatiques fruités. Or, c'est justement ce que je recherche dans mes vins. Par contre, l'abaissement de la température empêche la multiplication trop rapide des levures, leur mauvaise répartition et surtout un démarrage explosif de la fermentation alcoolique des sucres, qui irait de pair avec une extraction immédiate (alcoolique) de composés moins ionisés, plus liposolubles et aussi des matières amères contenues dans les pépins, avant que ceux-ci ne sombrent vers le fond de la cuve.
Il faut - mais cela ne pose pas de problème chez nous - que la vendange soit très saine, car des peaux abîmées, la présence d'insectes en grand nombre etc ... seraient autant de liberté laissée au bactéries acétiques, qui pourraient d'emblée piquer le vin, et le chapeau de marc une fois qu'il se sera formé. Il va de soi que celui-ci est plus lent à venir flotter à la surface, car le dégagement carbonique est forcément retardé d'autant. Tout reprend son cours normal dès qu'on laisse la température des cuves remonter un peu (entre 19 et 22°C chez moi), au troisième jour.
Pourquoi donc se donner tant de mal? Pour toi, ami lecteur, pour toi!
Je recherche d'ordinaire des vins fruités mais très secs, équilibrés, sans note de confiture ou de passerillage. Et une "préfermentaire à froid" intelligemment menée améliore la population levurienne (implantation progressive) et donne plus de chances à une transformation totale des sucres, ce qui n'est jamais acquis sous nos climats, aux rendements que je pratique.
Un autre facteur est intervenu en 2009: une réelle sécheresse (qui s'accentuera à partir de 2012 mais c'est une autre histoire), qui abaissera encore le rendement et augmentera encore la richesse des moûts. J'ai finalisé seulement 90 hl, sur 9,5 ha de vigne en production cette année-là!
La cuvée Majou 2009 comptait environ 6.000 bt et est une grande réussite. Elle a été épinglée par le guide Hachette (édition 2013) d'ailleurs.
Dégustée ce jour, elle arbore une robe encore pourpre foncé. Son nez est vineux et fruité, sur le pruneau et la griotte, encore retenu à l'ouverture.
En bouche, après une attaque franche, la caresse est suave et la finale reste sans mollesse.
C'est certainement le millésime le plus "classique" de la cuvée Majou, d'une élégance un peu toscane. Il s'agit de mon "Chianti Classico" à moi et j'en suis très fier.
La cuvée du casot 2009 (moins de 2.000 cols au départ), également distinguée par le guide Hachette (édition 2014), est d'après moi un des trois plus beaux vins de toute ma production. Il commence seulement à s'exprimer et je pense que 10 ans de plus lui feront du bien et que 15 ou 20 ne lui feront pas peur.
La robe reste très dense et le nez, fermé d'abord, dégage à l'aération des notes de garrigue, de fruits rouges et noirs et de goudron discret. En bouche, aucune raideur même si la matière est bien présente.
J'ai élaboré là le vin qui ressemble le plus à un Châteauneuf-du-Pape
de sommet de gamme, mais avec un peu plus de délicatesse. Je l'affirme sans fausse-pudeur.
Pas de "Eglise" en 2009, les rendements étaient trop petits et les 2006-2007-2008 m'avaient bien fourni de cette cuvée. Par contre, j'ai élaboré une Eglise de Coume Majou 2014 qui vaut la peine, au moment où elle fête ses cinq ans. Elle contient une majorité de grenache noir, complété par du carignan. En effet, je ne pourchasse pas le mildiou avec grande assiduité en début de campagne mais en 2014, pour la première fois (ma dixième récolte à Corneilla), j'ai été rattrapé par ce champignon. Cela a profondément modifié la répartition des raisins disponibles, car je ne vendange jamais les parcelles qui ne sont pas absolument saines. Cette cuvée-ci utilise donc en fait les grenaches qui rentrent d'ordinaire dans la Cuvée Majou, et la quasi-totalité des carignans disponibles cette année-là.
La robe est dense. Le nez, un peu fumé et torréfié, s'ouvre sur du tabac blond et de la cerise. La bouche est ferme sans austérité. Ce joli vin peut se boire dès maintenant, ou se garder pour 5-6 ans encore.
Dans les deux-trois mois qui viennent,
je vais activement proposer ces trois vins à ma clientèle,
tant les particuliers que les restaurateurs.
Mais je vais les boire moi-même également!
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