Je n'irai pas
par quatre chemins ...
Nous nous trouvons là, mon frère et moi, au-dessus d'une parcelle redevenue lande, dans le quartier d'Estagel sous Força Real et à l'écart de Montner. On l'appelle justement "Les Quatre Chemins", en raison d'un croisement de deux routes à peine carrossables qui mènent vers Corneilla ou Estagel d'une part, et vers le col de la Dona ou la colline d'autre part.
Je l'ai reprise à mon collaborateur José en 2005, alors qu'un autre acheteur préalable avait failli à ses engagements et avait laissé la vigne en mauvais état. Oui mais voilà, c'est un endroit sauvage et magnifique et un joli double casot y siège, en dur. Il y avait encore un peu de vigne blanche mal en point (arrachée d'emblée) et un demi-hectare d'une jeune syrah.
J'y ai effectué un travail considérable et exténuant, durant 4 ou 5 ans, allant jusqu'à planter à la main et à la barre à mine les piquets du palissage dans une roche-mère faite d'un schiste extrêmement compact.
Mais rien n'y a fait, ce sol très pauvre, en proie aux sangliers de passage en plus, ne m'a jamais livré une quantité significative de raisin.
Les chasseurs de la région, sans me consulter, ont finalement pris peu ou prou possession du site, établissant un abri surélevé camouflé, utilisant le casot pour leurs barbecues, semant des céréales pour les porcidés et se servant même sur mon toit en plaques de couverture, allant jusqu'à enlever pour leur usage mes poteaux de tête de rang.
La vigne a été totalement abandonnée, a ensuite disparu, et l'endroit est redevenu une lande sauvage. Beaucoup d'argent et d'énergie pour rien, en termes de viticulture. Par contre, nous y avons fait des dizaines de grillades, j'y ai invité beaucoup de visiteurs pour le pique-nique champêtre et nous avons passé là de nombreuses soirées et demi-nuits. Au printemps, des couples d'aigles royaux venus du Capcir ou de Cerdagne survolent la lande et viennent planer, par curiosité, jusqu'à 20 ou 30 mètres au-dessus de nos têtes, en lançant leurs cris perçants. Ils espèrent y chasser de quoi nourrir les oisillons au nid. J'y ai même vu un aigle de Bonelli, magnifique apparition. En août, c'est l'endroit idéal pour observer les étoiles filantes, car on est loin de la pollution lumineuse de la communauté urbaine de Perpignan: longissime absunt etc ...
Un soir, ou plutôt une pleine nuit (il était environ 2 heures du matin), alors que le chef Inada et sa femme nous avaient accompagnés, nous avons heurté à faible allure mais de plein fouet un sanglier qui s'est littéralement jeté contre le bouclier du 4 x 4. Il a fait un roulé-boulé spectaculaire, s'est relevé et a déguerpi en couinant ... comme un porc. Il y a encore quelques soies de son pelage coincées contre la grille du radiateur d'huile!
Thierry et moi sommes montés la semaine dernière en compagnie de Christine pour enlever du matériel qui était encore entreposé là-haut. Je dois à l'honnêteté de dire que, si les chasseurs ont bien fracturé la chaîne et le cadenas qui fermaient la remise, rien n'y a disparu: une table de campagne que j'avais construite moi-même du temps de Wemmel et qui m'avait suivi en France, un bar en rotin et ses tabourets, que Thierry m'avait offerts ... déjà à Grand-Bigard (= avant 1984), des fauteuils et des chaises longues en plastique, des parasols et leur pieds en fonte. Nous sommes en train de rafraîchir tout cela.
Je vais proposer ce petit domaine à la vente,
gardant pour moi les bons souvenirs et leur nostalgie.
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