Une "anecdote", un constat,
une impression:
voilà comment se forge
une opinion.
Peu de temps avant que je ne m'exilasse, on m'avait demandé d'animer une dégustation de vin en marge d'un repas dans un bon restaurant du bas d'Auderghem, près de la série d'étangs à la limite avec Watermael. C'était au début du 21ème siècle.
Les invités, je ne l'ai appris que sur place, étaient des hauts responsables commerciaux, au nombre de vingt environ, de la firme Exxon, assistant à une réunion de leur entreprise à Bruxelles. Cette compagnie (Esso notamment) basée près de Dallas, rendit sa raison sociale tristement célèbre suite à la fuite de brut qui se produisit depuis les cales de l'Exxon Valdez. Mes auditeurs représentaient chacun un ou deux états des USA et aussi quelques pays d'Amérique latine proche; des gros poissons donc.
Tout s'est bien passé: ils m'ont presque écouté en avalant leur menu. C'est comme un récital de chant en parallèle d'un dîner. Il ne faut pas être trop susceptible et posséder une voix qui porte.
Au décours, leur "chef", le numéro 2 ou 3 du marketing de la boîte, connaisseur en vins, vint aimablement discuter avec moi. Au moment de nous séparer, tâche accomplie et chèque encaissé, je me suis permis de lui demander comment il voyait le développement futur des activités pétrolières, lorsque les réserves de cette ressource viendraient à leur fin.
Je m'attendais à ce qu'il m'explique que d'autres gisements seraient découverts, ou bien que ce secteur industriel se diversifierait, ou encore que le pétrole ne servirait bientôt plus qu'à des fins "nobles" (synthèse) et durerait ainsi beaucoup plus longtemps etc ...
Pas du tout! Cet homme finalement sympathique (il aimait le vin, NB), assez cultivé et au fait de la vieille Europe, parlant un excellent anglais sans accent texan exagéré et sans Stetson posé sur la tête, me fit avec bonhomie la réponse suivante: - "Tu sais, je suis presque à l'âge de la retraite, et ce qui se passera après mon départ, je ne m'en préoccupe pas trop!"
Je suis resté interdit.
Voilà pour l'anecdote.
Mon, constat est de portée plus générale et tout le monde peut le faire.
Depuis 1850, la "révolution industrielle" pour faire simple, la puissance (force motrice) mise à notre disposition pour construire ou synthétiser s'est décuplée d'abord (machine à vapeur), puis a augmenté de manière exponentielle, jusqu'à la mise en oeuvre d'un nombre de Joules (ou Watts, ou .... whatever unité physique qui vous plaira) faramineux, provenant de la fission nucléaire par exemple. Comme rien ne se crée ( sauf dans la Génèse, mais je ne crois pas à ce traité scolaire), ceci signifie aussi que nous consommons des quantités d'énergie folles, qui finissent en chaleur.
Oui, je fais simple, ceci n'est pas un résumé de thermodynamique à l'usage des nuls, mais une démonstration de frustration politique.
Dans le même temps, la population sur terre augmente de manière inconsidérée et nous vivons de plus en plus longtemps. Il paraît que c'est un progrès.
On peut continuer à l'infini, tirant un parallèle avec nos déplacements, notre production vivrière, nos modes de chauffage (ou de climatisation) ...
Voilà pour le constat.
J'ai l'impression - le mot est lâché - que beaucoup de gens savent cela, de plus en plus de gens. Hélas, parmi ceux qui savent, un nombre difficile à définir d'entre eux font comme mon cowboy pétrolier: ils s'en foutent.
Ma démonstration débouche enfin sur une opinion. Comme toutes les opinions, celle-ci est contestable et ne vaut que dans la mesure où elle est la mienne et est sincère. Toute opinion contraire, ou différente, est recevable. Je suis prêt à en débattre. Voici cette opinion: "C'est trop tard".
Les dégâts sont irréparables et la machine s'est emballée.
Les interventionnistes - je les envie et les "bade" comme on dit ici - souhaiteront amortir le coup et tenter d'inverser la tendance. J'espère qu'ils constituent la majorité car le bonheur de mes enfants va en dépendre.
Les fatalistes - bouddhistes, Schopenhaueriens, ou simplement réalistes/pessimistes - se contentent de soupirer.
Je fais partie de cette dernière engeance.
Pourtant - tiendrai-je cette intention? - je modifie sensiblement mon comportement alimentaire et certaines habitudes de consommateur et ai décidé de ne plus prendre l'avion. Notez que je n'ai plus volé en aéronef depuis 10 ans au moins et ce dernier point sera donc de peu d'effet.
Il faudrait une volonté politique, mais elle manque totalement.
Le Nostradamus de Majou, votre Léon, prédit
l'extinction d'Homo sapiens dans le siècle qui vient.
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