Des petites fleurs,
le soleil matinal
et la belle
église romane d'Estavar,
sur le plateau cerdan.
En 1927, le spécialiste d'optiques de cinéma Willy Merté créa pour Carl Zeiss un concept de lentilles basé sur un "double Gauss", avec six éléments répartis en quatre groupes. Cette formule, le Biotar, représente en fait une amélioration du triple Tessar, créé en 1896.
De développements en améliorations, cet objectif atteignit un niveau de qualité remarquable (luminosité notamment) avant la guerre, dès 1938, alors que tous les calculs se passaient évidemment d'ordinateur et ce sont les opticiens allemands de l'époque qui ont accompli ce miracle. On pourrait dire que tous les objectifs de moyenne focale (50 à 100 mm) jusqu'à ce jour reprennent le même principe.
Il y eut d'abord à la vente le "Night Exacta" - deux mois de salaire d'un ingénieur allemand moyen - vers 1939. Cet objectif pour les riches offrait une palette de couleurs riche également, des contrastes éclatants, une netteté péri-centrale élevée et, déjà, le fameux "bokeh".
Et puis vint la guerre.
Après celle-ci et la destruction partielle des usines de Dresde, CZJ
(= Carl Zeiss Jena) lança le premier SLR (single lens reflex camera), le fameux Contax S. Et la monture faisait appel au M42 (également connu comme "la monture Pentax"). A part une lenteur d'installation un peu plus grande, je ne vois pas ce qu'elle offre de moins que les bayonettes. Et c'est un Biotar qui l'équipa rapidement.
En 1952, la partition de l'Allemagne plaça Jena en DDR. Au début, les personnels d'Oberkochen en zone capitaliste purent continuer à collaborer avec leurs camarades de l'est. Mais les braves Yankees intriguèrent tant et si bien pour protéger le copyright que le nom même de Biotar devint très peu vendeur en Occident et la ligne de production cessa en 1967. En fait, c'est sous le nom de Planar (les 85 mm et 50 mm constituent sans doute parmi mes objectifs favoris) que nous utilisons ces bijoux à présent.
Et quand Zenit sortit ses appareils (KMZ) à Karsnogorsk dans la banlieue de Moscou en 1952 et bien après (1967) chez Belomo en Bélarusse, la formule était toujours vivante, ayant fait partie des dédommagements de guerre exigés par les Russes.
Et les lentilles made in USSR, appelées Hélios, ont été déclinées dans un nombre élevé de versions, en alu argenté aussi bien qu'en noir, jusqu'en 1995 environ. Le verre a bénéficié de traitements de meilleurs en meilleurs, comme le T* chez Zeiss en BRD mais pas au même niveau néanmoins, et j'en possède la dernière version, à peu de choses près. On dit toutefois que le contrôle de qualité laissait à désirer sur la fin, Glasnost oblige.
On visse le pas de vis de 42 mm dans une petite bayonette et ... seuls les premiers mètres du champ deviennent utilisables sur un Nikon. En effet, le "tirage", c-à-d la distance entre le capteur (ou la pellicule) et la face arrière du système optique est de 46,5 mm chez le manufacturier nippon, soit un bon gros millimètre de plus que ce qui était prévu pour les Pentax-mounts et le foyer "net" se situe donc en avant du plan du capteur: Schade - tegenslag!
On perd donc la mise au point à l'infini et il faut, pour la récupérer, disposer d'un adaptateur avec une lentille de faible grossissement,
1.4 dioptries si j'ai bien compris. Celles-ci, chinoises pour la plupart, sont de qualité moyenne, voire médiocre, et souvent insuffisamment traitées.
Une meilleure solution s'offre aux possesseurs de Canon (tirage un peu plus court) mais surtout aux amateurs travaillant au format M4/3. Ici, le tirage est nettement plus court que pour les objectifs en M42. Il suffit dès lors tout simplement de rajouter une bague. En effet, éloigner la fin du système optique est facile, le faire "rentrer dans le boîtier" est impossible à cause notamment du miroir, pour les DX comme pour les FX!
En attendant que Saint-Nicolas m'apporte un boîtier au format M4/3, je me débrouille donc et ... je me régale! Ces objectifs sont un bonheur: personnalité faite de qualités inégalées (notamment le floutage d'arrière-plan), d'imprévus chromatiques ou sphériques fascinants et parfois d'une netteté fantastique (sous conditions) mais aussi de défauts majeurs: hétérogénéité, flares et fantômes, difficulté à mettre au point ...
Je pense que cet Hélios constitue la meilleure école pour apprendre la photo à un jeune amateur. Moi, vieux briscard, je corrige assez vite mes erreurs de néophyte avec ce caillou et je prends un plaisir fou à faire clic. Le maître-mot est: bien se positionner par rapport à la source de lumière, utiliser un filtre polarisant chaque fois que c'est possible, mettre un pare-soleil adapté, fermer le diaphragme, mais pas trop (!), et surtout s'appliquer pour la mise au point.
Regardez un de mes premiers "bons" clichés, hier matin.
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